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Le prix Renaudot. Quelques mots sur son père et sa nouvelle lauréate ?

Rachel Pamart 0
Temps de lecture estimé : 7 minutes

Depuis deux mois, des élèves volontaires lisent les six livres de la sélection de la 26ème édition du prix Renaudot des lycéens, à savoir:

  • « Nos richesses », de Kaouther Adimi, éditions du Seuil,
  • « Le fou du roi », de Mahi Binebine, édition Stock,
  • « Un certain M. Piekielny », de François-Henri Désérable, éditions Gallimard,
  • « La disparition du Josef Mengele », d’Olivier Guez, éditions Grasset,
  • « Toutes les familles heureuses », d’Hervé Le Tellier, éditions J.-C. Lattès,
  • « La serpe », de Philippe Jaenada, éditions Julliard.

Le 14 décembre 2017, ces élèves se sont rendus à Loudun afin de visiter le musée dédié à Théophraste Renaudot et de rencontrer la lauréate de cette année: Kaouther Adimi.

Le prix Renaudot- Qu’est-ce que c’est ?

Le prix Théophraste Renaudot, plus communément appelé Prix Renaudot, est un prix littéraire qui fut créé par dix journalistes et critiques littéraires en attente de la délibération du jury du prix Goncourt, en 1926.

Le premier jury se composait de Raymond de Nys, Marcel Espiau, Georges Le Fèvre, Noël Sabord, Georges Martin, Odette Pannetier, Henri Guilac, Gaston Picard, Pierre Demartre, et Georges Charensol, tous les dix ayant écrit une biographie de Renaudot en dix chapitres (chaque membre étant chargé d’un chapitre ): La Vie de Théophraste Renaudot, par **********, paru en 1929.

Le jury du prix Renaudot est vu comme un supplément à celui du prix Goncourt, vision accentuée par l’annonce des résultat simultanée des deux prix, et dans le même cadre (à savoir premier mardi de novembre au restaurant Drouant à Paris).

Outre le prix principal, le jury décerne chaque année depuis 2003 un Prix Renaudot de l’essai et depuis 2009 un Prix Renaudot du livre de poche. Il existe également depuis 1992 un Prix Renaudot des lycéens, Celui auquel notre lycée participe donc chaque année.

Théophraste Renaudot: Qui était-il ?

Théophraste Renaudot, né en 1586 à Loudun et mort le 25 octobre 1653 à Paris, est un journaliste, médecin et philanthrope français. Il est le père de la publicité et de la presse française par ses deux créations du Bureau d’adresse (1629) et de la Gazette(30 mai 1631), journal hebdomadaire. Médecin ordinaire du roi, il était surnommé le « commissaire aux pauvres du royaume ».

Natif de Loudun et d’origine bourgeoise, il fait des études de médecine. A 20 ans, il est donc reconnu en tant que médecin. Il se marie en 1609 et s’établit à Loudun, où, sensibilisé à la cause de la pauvreté en France, il écrivit un traité sur ce sujet qui lui valut d’obtenir le titre de « médecin ordinaire » du roi Louis XIII en 1612.

Précurseur de la presse écrite, il lance sa célèbre Gazette le 30 mai 1631 et en 1635, l’État lui accorda un monopole pour lui et ses successeurs. Elle fut un grand succès et lui fut adjoint, dès 1634, le supplément des Extraordinaires, relatant dans le détail les événements les plus importants. Les frères Richer se chargent de sa publication jusqu’en 1635. Théophraste Renaudot continua cette importante publication jusqu’en 1643.

Ses ouvrages:

  • La Gazette.
  • Abrégé de la vie et de la mort du prince de Condé, 1647.
  • La Vie et la mort du maréchal de Gassion, 1647.
  • La Vie de Michel Mazarin, 1648.

(source: Wikipedia.org).

La lauréate de cette année, Kaouther Adimi et son roman: Nos Richesses.

L’auteure.

Kaouther Adimi est jeune écrivaine née à Alger en 1986, diplômée en management des ressources humaines et lettres modernes. Elle vit et travaille à Paris depuis 2009, mais reste tout de même extrêmement attachée à son pays d’origine, l’Algérie, dans lequel elle retourne environ4 ou 5 fois par an.

Ayant vécu à Alger depuis ses 4ans, sa famille déménage à Grenoble, où elle passera 4 ans avant de retourner en Algérie, ces aller-retours étant dus à la Guerre d’Algérie faisant rage là bas. Malgré le terrorisme sévissant dans son pays et les nombreux assassinats, notamment de libraires, la petite Kaouther était déjà une lectrice assidue et dévorait trois livres hebdomadairement, les trois seuls qu’elle eût pu emprunter chaque semaine. Aux alentours de sa huitième année, n’ayant plus accès à la littérature comme elle le souhaitait, l’écriture lui vint à l’esprit. Pas de grande littérature, comme elle-même le souligne, mais un livre qu’elle voulait écrire afin de le relire et donc, de toujours avoir de la lecture sous la main malgré tout.

Ayant fait des études de Lettres et deux Masters, Kaouther ne vis cependant pas de sa plume: elle a un autre emploi qu’elle affectionne, et qui lui permet de gagner sa vie. Elle confie avoir bâti son style d’écriture autour d’œuvres de grands auteurs qu’elle apprécie tels que Camus, Dumas ou encore Salinger. En ce qui concerne l’écriture de ses œuvres, la jeune femme n’est jamais à court d’idées: elle dit toujours en avoir une dans le coin de la tête en attente d’être saisie. Lorsqu’elle écrit, elle s’entoure de livres pour nourrir sa réflexion, livres qui lui sont bien souvent conseillés par son éditrice, dont elle semble être assez proche. Autre anecdote: elle utilise deux supports différents sont un carnet noir et son ordinateur; le premier lui permettant de coucher ses diverses idées sur papier quand elles lui viennent et le second pour écrire, tout simplement.

Son oeuvre.

Nos Richesses un roman, paru le  aux éditions Seuil, est le 3e roman de Kaouther Adimi. La jeune romancière y fait le récit des aventures d’Edmond Charlot, qui ouvrit dans les années 30 une librairie à Alger, où il côtoya et édita les plus grands romanciers de son temps (Albert Camus, pour ne citer que lui).

L’intrigue

Alger, 1935, Edmond Charlot a 20 ans. Il termine le lycée à Alger. Quand son professeur de philosophie demande à ses élèves ce qu’ils souhaitent accomplir après la fin des cours, le jeune Edmond lui confie sa fascination pour « ce qui est imprimé ». Quelques jours plus tôt il a parlé à son père d’un projet de librairie, « une librairie qui vendrait du neuf et de l’ancien ». Le jeune homme rêve d’un endroit « qui ne serait pas juste un commerce mais un lieu de rencontres et de lecture ». Il ambitionne un espace ouvert aux lecteurs et aux écrivains de tous les pays de la Méditerranée, « gens d’ici, de cette terre, de cette mer, sans distinction de langue ou de religion ». Il prône « une pensée méditerranéenne, qui « ne se limite pas au môle d’Alger », loin des « algéniaristes », qui produisent une littérature qui regarde l’Algérie comme une terre exotique.

Edmond Charlot a peu de moyens, est encouragé sans être vraiment soutenu par sa famille, mais il a l’énergie de la jeunesse et la passion chevillée au corps. Il se lance dans l’aventure. Moins d’un an plus tard, le 3 novembre 1936, la librairie, baptisée « Nos vraies richesses », en référence à un récit de Giono qui l’a ébloui, ouvre ses portes. « Des jeunes, par des jeunes, pour des jeunes » est le slogan. L’espace est tout petit, mais les ambitions sont grandes.

L’effervescence littéraire à Alger

Edmond Charlot, poussé par les événements, et aussi par goût, s’est lancé dans l’édition. Camus l’a sollicité pour imprimer « La révolte des Asturies », dont les représentations ont été interdites à Alger après une révolte de mineurs qui a mal tourné. Pour l’ouverture de sa librairie, Edmond Charlot a aussi obtenu l’autorisation de Jean Giono d’imprimer « Rondeurs des jours », qu’il souhaite offrir à ses premiers clients lors de l’ouverture de la librairie.

On tourne les pages et l’on marche aujourd’hui dans les rues d’Alger avec Ryad, 20 ans. Le jeune homme est étudiant à Paris et il est à Alger pour vider et repeindre la librairie, depuis transformée par l’état en bibliothèque, désormais à l’abandon. Contrairement à Edmond, Ryad n’a aucun intérêt pour les livres et compte s’acquitter de sa tâche au plus vite pour retrouver Claire, son amoureuse, à Paris. Mais le vieil Abdallah, gardien du « temple » depuis les premiers jours de la librairie, est là, qui veille sur la mémoire des lieux.

« Nos vraies richesses »

Le 3e roman de Kaouther Adimi est un très beau portrait d’Edmond Charlot, amoureux des lettres et des livres. Un aventurier de la culture, qui toute sa vie, malgré les infortunes et les aléas de l’histoire, a œuvré pour une certaine idée de la littérature, de l’édition, qu’il voulait ouverte et tolérante, respectueuse des uns et des autres. Une aventure qu’il a aussi essayé de garder sous le sceau de l’amitié, sans toujours y parvenir. La romancière nous plonge dans l’effervescence intellectuelle des années trente à Alger. Et aussi les soubresauts de l’histoire : les premières révoltes, la guerre, la décolonisation. Charlot a côtoyé et édité les plus grands écrivains et intellectuels de son temps, de Camus à Giono, en passant par André Gide, Vercors, Bernanos, Moravia, Saint Exupery, Frison Roche, Emmanuel Roblès, Jean Amrouche, Kessel…

Le roman de Kaouther Adimi est une composition en deux mouvements, l’un se déroule au passé, l’autre au présent. La romancière déroule ces deux récits autour du journal d’Edmond Charlot, qu’elle a imaginé, mais qui sonne si vrai qu’on le croirait exhumé des rayonnages de sa librairie.

Cette habile construction embarque le lecteur dans un voyage en terre algérienne, des années 30 à nos jours, de ses liens avec la France, tissés, brisés, et si complexes à dénouer. On est frappé par la douceur et la pudeur du récit, qui relate pourtant aussi des faits d’une extrême violence, mais que la romancière évoque dans les silences, hors champs. Le roman de Kaouther Adimi est aussi et surtout un hymne à la littérature, aux mots, aux livres, à la culture, qui sont « nos vraies richesses », celles qui ont le pouvoir de nous sauver.

« Nos richesses » a été en piste pour le Goncourt, le Renaudot, le Medicis, le Prix Interallié, et le Prix du Style 2017.

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